S'il n'est pas nouveau, le software occupe aujourd'hui une place centrale dans nos
voitures ; un véritable changement de paradigme qui redessine le business model des constructeurs, les obligeant progressivement à adopter une posture où le véhicule se développe à partir du software et non l'inverse. « By design » pour les nouveaux entrants tel que Tesla ou Byd, cette transformation reste un défi majeur pour les constructeurs historiques.
Qu'il semble loin le temps où nos aînés conduisaient des voitures sans aucune autre option que celle de simplement rouler. Et pourtant ce temps n'est pas si lointain mais les évolutions apportées à nos véhicules ont été si nombreuses et rapides qu'ils sont aujourd'hui bien plus que de simples moyens de transports. Ce sont de véritables concentrés de technologies bien plus complexe qu'un ordinateur, devenant une extension de notre
environnement digital. Et force est de constater que ces évolutions sont omniprésentes et répondent à de nombreux usages : l'ADAS (
Assistance à la conduite), l'infotainment (GPS, radio, musique..) aux firmwares (capteurs du véhicules) en passant par le système d'exploitation et autres
options (Sièges chauffants, puissance moteur, Climatisation) Autrement dit, la machine est morte, vive la machine connectée.
Le modèle Tesla : un exemple à suivre pour les constructeurs européensDisons-le, Tesla a révolutionné les codes du monde
automobile sur ces 15 dernières années. Cette société qui ne se définit pas tant comme un constructeur automobile mais davantage comme une entreprise de la Tech a sans doute redéfini le véhicule d'aujourd'hui et c'est tout un secteur qui doit suivre cette tendance. Le SDV (Software Defined Vehicle) ou véhicule conçu autour du logiciel, passionne autant qu'il inquiète les constructeurs européens, lesquels entrevoient une longue et complexe transition vers un modèle qui priorise le software et la connectivité, sans pour autant posséder l'organisation adaptée (en termes d'agilité, de compétence, de ressources et de processus). Et ceci sans compter la nécessité de conserver son modèle initial afin de maintenir les parcs
automobiles existant et non connecté.
On pourrait penser qu'une telle stratégie n'aurait de sens qu'à partir du moment où la
voiture autonome, véritable point de mire pour l'industrie, occupera une place de choix sur le marché. Ce serait toutefois une erreur. La prégnance du software est aussi impulsée par les consommateurs qui sont séduits par les nouveaux services intégrés aux véhicules. Avec l'avènement du modèle par abonnement qui entend faire débloquer des options directement intégrées à la
voiture moyennant un certain
coût pour l'utilisateur, on imagine sans mal les perspectives de revenus additionnels. Tout semble réuni pour favoriser la prospérité des constructeurs européens, mais c'est sans compter sur nos concurrents américains et chinois qui ont d'ores et déjà pris de l'avance grâce à l'avènement des
véhicules électriques, favorisant ainsi l'accès au marché de nouveaux entrants.
Le problème à trois corps : la complexité, le volume et les régulationsLà encore, un principe de réalité s'impose. Pour nombre de constructeurs européens, la variété des modèles de véhicules et leur différence d'ancienneté conduisent à un constat simple : gérer manuellement la complexité de l'ensemble hardwares/softwares n'est pas faisable. L'utilisation du numéro VIN (numéro d'identification des véhicules) permet une gestion plus précise de la configuration des véhicules, facilitant ainsi la navigation dans cette complexité. L'adoption de solutions d'automatisation pour ces processus devient incontournable face aux vastes volumes à gérer et à la diversité des configurations matérielles et logicielle. Nous parlons ici de parcs automobiles gigantesques répartis selon des plateformes de
véhicules connectés.
Pour maîtriser cette complexité, il n'existe pas de solution unique. Il s'agit plutôt de mettre en place un écosystème complet d'outils intégrés, couvrant l'architecture des véhicules, la connectivité, les plateformes cloud, les logiciels et les données. L'interopérabilité entre ces différents modules, leur modularité, ainsi que leur capacité à gérer des millions de véhicules sont les véritables clés de la performance à grande échelle.
S'outiller efficacement est indispensable, mais il est tout aussi crucial d'adapter sa stratégie aux réglementations spécifiques de chaque marché où les véhicules sont commercialisés. La gestion de la connectivité et des régulations doit ainsi être personnalisée pour maintenir une harmonisation globale des opérations tout en optimisant les coûts.
Le double défi : Transformation et ConcurrenceBien que le rôle central du software dans l'industrie automobile soit désormais incontestable, les constructeurs européens ne doivent pas céder à la tentation d'une transformation indifférenciée et massive. Contrairement aux nouveaux entrants, ils doivent composer avec des systèmes legacy complexes tout en faisant face à une concurrence accrue, notamment en provenance de Chine. Plutôt que d'insourcer toutes les compétences, il est essentiel de tracer une ligne claire entre les sujets stratégiques, à internaliser, et les sujets non stratégiques, à externaliser. En s'appuyant sur l'expertise de partenaires spécialisés pour ces derniers, ils pourront allouer plus efficacement leurs ressources limitées, tout en se concentrant sur les leviers d'innovation et de compétitivité à long terme.
Tribune Par Nicolas Degrenne, Head Strategy - Software Defined Vehicle chez T-Systems France
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Tribune Par Nicolas Degrenne, Head Strategy - Software Defined Vehicle chez T-Systems France, écrit le 19/11/2024