Alors que depuis les années 1980, le
coût de l'automobile par rapport au revenu moyen était sur une tendance baissière,
la transition vers le véhicule électrique renchérit le coût des véhicules de l'ordre de 30 % en moyenne.
La tendance actuelle qui semble
critique et qui
impactera durablement le « business model » des constructeurs automobiles est celle de la
hausse des coûts associés au véhicule électrique ou à l'autonomisation.
Depuis des décennies,
les classes moyennes accèdent à l'automobile avec des prêts traditionnels.
Avec l'augmentation
du prix des voitures et des taux d'intérêt, il va devenir
de plus en plus difficile pour les classes moyennes d'accéder à l'automobile, même avec des prêts traditionnels. Et donc aux constructeurs automobiles de vendre des véhicules aux classes moyennes.
La
vente d'un service de mobilité mensualisé pourrait devenir la norme sur les marchés automobiles matures. Et les constructeurs ont leur mot à dire dans le domaine. C'est déjà le cas pour près de la moitié des véhicules vendus en France en 2022, mais cela pourrait encore progresser. La difficulté de financement du véhicule électrique va accélérer cette tendance. Ce n'est donc pas un « business model » de substitution, tout au plus un accélérateur.
Les constructeurs automobiles n'ont pas d'autres choix que de
devenir incontournables sur le marché du service de mobilité, car le risque serait d'être « intermédiés».
Aujourd'hui, le réseau de distribution
automobile est aux couleurs de la marque, mais si ce n'est plus le cas à l'avenir, l'intermédiaire favorisera les ventes des marques automobiles pour lesquelles il a le plus d'intérêt financier.
Et le constructeur automobile devra proposer des
remises pour que ses voitures soient mises en avant, ce qui grèvera sa rentabilité.
Les fabricants d'équipement électroménagers ont vu leurs marges baisser au profit des chaines de distribution d'électroménager (en magasin tout d'abord, puis en ligne).
Certains constructeurs automobiles disposent d'une arme différenciante : l'image de marque.
Pour certaines marques, l'image de marque est encore très forte et elle peut être mise en avant et utilisée pour contrer de nouveaux entrants.
Néanmoins, l'activité soutenue des centres
autos sur des véhicules de marques généralistes montre les limites de l'image de marque des constructeurs généralistes.
A la question
« Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault ? », de nombreux propriétaires de véhicules de la marque au losange répondent par Speedy, Norauto ou encore Midas.
Les
taux de conquête des nouvelles marques (Dacia, Tesla, etc.) vont dans la même direction. De même que le
succès en Europe des marques japonaises, puis des marques coréennes et désormais des marques chinoises. La forte progression actuelle de la
marque chinoise MG témoigne de la faible fidélité de la clientèle européenne. A tel point que les constructeurs européens en appellent à des mesures à la fois
de soutien de la demande et de barrières à l'entrée.
A l'heure ou les constructeurs automobiles se
désengagent de leurs réseaux de distribution détenus en propre (succursales), il n'est pas dit que les industriels soient les mieux placés pour assurer la location d'un véhicule de la marque ou un changement de véhicule pour les vacances dans un
environnement concurrentiel ultra-performant en matière de services à la clientèle, le tout de manière rentable.
Pour être performant financièrement, les constructeurs automobiles devront également
valoriser les différentes vies du véhicule et son démantèlement. Cela va dans le sens des initiatives des constructeurs automobiles ces dernières années qui ont racheté des sites de vente d'occasion.
La mise en œuvre de centres de
reconditionnement de véhicules d'occasion et d'usines de recyclage est du même registre. Cela étant, le « business models » n'est pas avéré à ce jour. Et cela d'autant plus que
les normes liées à la fin de vie des batteries de voitures électriques deviennent drastiques et onéreuses.
En générant du revenu non seulement sur la
vente du véhicule neuf (en vente directe ou en location), mais aussi durant ses différentes vies 3-6 ans, 6-9 ans…) jusqu'au recyclage), les constructeurs pourraient générer des revenus additionnels.
A ce jour, le commerce du
véhicule d'occasion est majoritairement aux mains de
distributeurs indépendants et des particuliers.
Les distributeurs indépendants se sont montrés plus performants sur le long terme que les constructeurs automobiles dans le business de la
voiture d'occasion.
Le « business model » des constructeurs automobiles tend à devenir
complet et intégré,
depuis la fabrication jusqu'au démantèlement en passant par l'énergie et l'approvisionnement en métaux.
Il y a encore quelques années, les constructeurs automobiles ne voulaient pas fabriquer de batteries haute tension car cela était du ressort de leurs fournisseurs traditionnels. Ils conservaient une approche de maitrise d'ouvrage et d'assembleurs.
Cela a totalement changé depuis cinq ans avec des constructeurs
qui deviennent fabricants de batteries au travers de joint-ventures, et qui sécurisent directement des approvisionnements en métaux rares auprès des industriels miniers.
Les
batteries haute tension vont remplacer le moteur thermique dans le différenciant technologique propre à chaque constructeur.
La
recharge des véhicules électriques est aussi un élément permis par la transition énergétique. Sans elle, il ne serait pas pensable que des industriels du secteur proposent des solutions énergétiques.
BMW,
Mercedes,
Volkswagen et
Ford, rejoints par d'autres constructeurs depuis, se sont unis pour proposer un service de recharge rapide sur autoroute. Le réseau de superchargeurs Tesla a été un élément clé de la réussite du fabricant américain, tout comme la maitrise de la technologie des batteries et des moteurs électriques.
Cette approche intégrée est aussi valable pour le
démantèlement des véhicules électriques. Les normes liées à la fin de vie des batteries deviennent drastiques et onéreuses. À cela s'ajoute que les batteries, même anciennes, conservent une valeur élevée du fait des métaux qu'elles contiennent. D'autant plus avec les coûts des métaux qui augmentent. En sécurisant l'approvisionnement en métaux, via un sourcing direct et un sourcing issu du recyclage, les constructeurs bâtissent un business model basé sur l'entièreté de la vie des véhicules. C'est aussi cette transition vers un modèle intégré qui impacte à la hausse les coûts des véhicules actuels avec des investissements nécessaires importants. Avec des perspectives économiques encore très incertaines.
La transition technologique actuelle (voiture électrique,
voiture autonome,
voiture connectée) est un
accélérateur de changement pour une industrie automobile centenaire. De fabricants de moteurs et assembleurs de pièces, les constructeurs ont l'opportunité de devenir
fournisseurs de services de mobilité, chimistes avec la batterie, diffuseurs de contenus dans le véhicule autonome, fournisseurs de services énergétiques (recharges), diffuseurs de contenus, etc.
Il reste aux constructeurs à apprendre ces nouveaux métiers et à montrer leur valeur ajoutée dans ces domaines variés, ce qui est loin d'être garanti.
Puis à les rendre performants économiquement pour en faire des
« business models » viables sur le long terme.
Source : Livre blanc TNP La mobilité en 2035 - Les « business models » des constructeurs automobiles en 2035 - Guillaume Kerbrat, directeur associé, TNP
Image par Bruno /Germany de Pixabay