Comment concrétiser l'ambition présidentielle du
leasing social abordable de voitures électriques ?
La promesse politique des
véhicules électriques à
100 euros par mois était claire.
Mais l'absence de véhicules électriques bon marché produits en France ne permet pas de lancer le dispositif annoncé.
Le gouvernement a confirmé son intention de lancer le leasing social de
voitures électriques en 2024, mais en laissant la porte ouverte à des aménagements importants par rapport au projet d'origine.
Le 26 avril dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé la mise en place du leasing social mais a parlé de «
véhicules propres » (et non pas de véhicules « zéro-émission »), ce qui peut laisser penser que des véhicules essence émettant du
CO2 pourraient être inclus dans le périmètre.
L'ONG Transport & Environment et l'Iddri dévoilent un plan d'action pour un leasing social avec des voitures électriques, fabriquées en France et en Europe.
Sa mise en œuvre permettrait, selon Transport & Environment et l'Iddri, à 900 000 ménages modestes de réduire leur
budget voiture.
Ce plan nécessiterait, Transport & Environment et l'Iddri, un engagement de l'Etat et de la filière
automobile français.
L'analyse de Transport & Environment et de l'Iddri s'articule autour de huit propositions d'action.
« Le gouvernement est sur la bonne voie, il doit aller jusqu'au bout de sa promesse de départ, explique Marie Chéron, responsable des politiques véhicules à T&E (Transport & Environment) France.
Notre analyse démontre qu'un leasing social ambitieux, avec des véhicules 100% électriques, est possible dès 2024. Il permettra de soutenir une production industrielle supplémentaire en France et en Europe, et de décarboner l'automobile. Le tout, sans obliger l'État à dépenser davantage qu'aujourd'hui ». Le succès du leasing social de voitures électriques passe, selon Transport & Environment et l'Iddri, par un accès large au dispositif.
L'analyse de Transport & Environment et de l'Iddri montre qu'entre 2024 et 2030, environ 900 000 ménages modestes pourraient bénéficier du leasing social, avec un loyer compris entre 70 euros et 200 euros par mois, selon la taille du véhicule (de la micro-car aux
berlines compactes).
L'étude propose de cibler les ménages des déciles 1 à 4, dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 13
500 euros, et qui possèdent un véhicule Crit'Air 2 ou plus.
Le leasing social de véhicules électriques (dont des petits modèles du segments A et des micro-cars actuellement non produits en France)nécessite le développement et la production des véhicules électriques par les constructeurs
automobiles français et européens.
Transport & Environment et l'Iddri considèrent que
« Pour cette industrie, le leasing social est une opportunité, celle d'un marché additionnel, avec des commandes garanties et un risque financier minime. »,
alors que les constructeurs automobiles ont arrêté il y a plusieurs années le développement de petits véhicules du segment A jugés insuffisamment rentables par rapport aux véhicules du segment supérieur avec les nouvelles normes de dépollution.
C'est ainsi que
la Peugeot 108, la Citroën C1 et la smart forfour ont été arrêtées et non renouvelées.
Pour mémoire,
la smart forfour était produite dans l'usine Renault de Novo Mesto en Slovénie, alors que
les Peugeot 108, Citroën C1 et Toyota Aygo étaient fabriquées à Kolin en République tchèque. Dans les faits,
on est très loin de la petite voiture du segment A "Made in France". Et cela depuis plusieurs décennies.
« Un engagement de l'Etat sur la progressivité et la pérennité du financement du dispositif sur plusieurs années, sont les signaux forts qui doivent convaincre les constructeurs de s'engager dans le projet. Ainsi, ces derniers ne pourront plus percevoir le leasing social comme un détournement de leurs capacités de production vers des véhicules à bas coûts et à faibles marges. Il s'agira au contraire d'un marché additionnel, sécurisé. Pour la filière automobile française, c'est l'occasion de pouvoir fabriquer des véhicules abordables de segment A et B, aujourd'hui délaissés ou produits hors d'Europe » assure Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l'initiative Mobilité en Transition de l'Iddri.
Afin de pouvoir proposer des loyers abordables, les véhicules produits dans le cadre du leasing social de véhicules électriques seraient, pour Transport & Environment et l'Iddri, concentrés sur quelques modèles et posséderaient les
équipements essentiels.
En prenant en compte la réduction des coûts de publicité et de distribution pour les constructeurs automobiles, ainsi qu'un niveau d'équipement de base et des performance basses, Transport & Environment et l'Iddri estiment que le
prix de revient des voitures pourrait être abaissé de 20 à 30% par rapport à celui du marché actuel.
Ces économies permettraient, pour Transport & Environment et l'Iddri, de p
roposer des formules de leasing à partir de 100 euros par mois pour un modèle équivalent à la Twingo électrique, ou 150 euros pour l'équivalent d'une Peugeot e-208.
Pour Transport & Environment et l'Iddri, ces mensualités devraient
inclure l'entretien et la réparation pour assurer aux ménages bénéficiaires qu'ils n'auront pas de dépenses imprévues avec leur véhicule.
Pour Transport & Environment et l'Iddri,
les véhicules électriques seraient achetés via un organisme dédié regroupant l'État, des financeurs privés (banques, sociétés de leasing) et les collectivités locales, pour être ensuite loués.
Pour financer le dispositif de leasing social des véhicules électriques, Transport & Environment et l'Iddri propose une
réduction progressive du montant du bonus écologique qui bénéficie aux
conducteurs les plus aisés.
Une étude de 2022 de France Stratégie notait que
« même avec les aides, le passage à l'électrique demeure peu accessible pour de nombreux ménages. Par exemple, pour un véhicule électrique de segment B, le surcoût à l'achat reste d'environ 8 000 euros par rapport à un véhicule thermique du même segment ».Selon Transport & Environment et l'Iddri,
« Basculer progressivement vers une aide plus ciblée permettra aux ménages modestes d'accéder à la voiture électrique alors qu'ils en sont éloignés aujourd'hui. »« Le leasing social est un outil utile qui, orchestré avec d'autres, permet de répondre à l'impératif de justice sociale nécessaire à la transition des mobilités. Dans le cadre de la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE), il permet de cibler les personnes aux revenus modestes, souvent les plus dépendantes à la voiture individuelle » relève Sylvain Delavergne du mouvement Clean Cities Campaign (CCC).
En rythme de croisière, selon l'analyse de Transport & Environment et de l'Iddri, le leasing social représenterait environ 800 millions d'euros par an d'aides directes versées par l'État. Ce dernier
subventionnerait 27 à 34% du coût du véhicule, selon les ressources des ménages (comme dans le cadre du bonus actuel).
Pour Transport & Environment et l'Iddri,
« La possibilité pour les collectivités de verser une aide complémentaire de 1000 € à 2000 € par véhicule est considérée comme un moyen de renforcer le dispositif, notamment dans le cadre des ZFE, et pour accélérer la conversion à l'électrique des ménages les plus contraints dans leurs déplacements. »Transport & Environment et l'Iddri estiment que
« le dispositif d'aides aux ménages pourra être soutenu financièrement par des fonds européens, notamment via le fonds social pour le climat » contribuer à une « réindustrialisation verte » à l'échelle européenne avec des petits modèles de véhicules électriques.
Cette étude semble ignorer que
les constructeurs automobiles français ont délocalisé la production de petits véhicules du segment A à bas coûts dans des pays ou les couts de production sont plus bas pour des questions de coûts du travail et de rentabilité négative.
Cette étude ne se préoccupe pas non plus de la question
du manque de polyvalence du véhicule électrique destiné au leasing social. Un petit véhicule électrique offrant des
performances basses est un
véhicule électrique de petite taille doté d'une
petite batterie permettant une
autonomie réduite d'environ 200 kilomètres WLTP. C'est à dire une
voiture parfaitement adaptée aux trajets du quotidien mais
incapable d'effectuer un trajet autoroutiers de 1 000 kilomètres pour faire le trajet des vacances en une journée.
Source : étude 2023 sur le leasing social de Transport & Environment (T&E) et de l'Iddri
Transport & Environment (T&E) est un réseau européen d'ONG qui promeut le transport durable en Europe.
L'Iddri est un think tank qui instruit les questions du développement durable.
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