À mesure que les
Zones à Faibles Emissions ZFE publient leurs listes locales de dérogations aux interdictions de circulation, la mobilité des professionnels fait l'objet de toutes les attentions de la part des élus locaux.
Les particuliers, aux budgets plus serrés ou aux contraintes plus spécifiques, passent en revanche au broyeur de la machine administrative.
La négation de la liberté de circulation est en marche.
Il existe
dix-neuf dérogations nationales (véhicules de police, véhicules de gendarmerie, véhicules de pompiers, véhicules affichant une carte « mobilité inclusion » comportant la mention « stationnement pour les personnes handicapées », véhicules du ministère de la défense, véhicules de transport en commun de personnes , véhicules d'intérêt général bénéficiant de facilités de passage (ambulance de transport sanitaire, véhicule d'intervention de sécurité des sociétés gestionnaires d'infrastructures électriques et gazières, du service de la surveillance de la Société nationale des chemins de fer français, du service de la surveillance de la Régie autonome des transports parisiens, de transports de fonds de la Banque de France, des associations médicales concourant à la permanence des soins, des médecins lorsqu'ils participent à la garde départementale, de transports de produits sanguins et d'organes humains, engin de service hivernal et, sur autoroutes ou routes à deux chaussées séparées, véhicule d'intervention des services gestionnaires de ces voies, etc.), autorisant la circulation des véhicules dont la vignette Crit'Air ne répond pas aux exigences des Zones à faibles émissions (ZFE).
A cette liste, s'ajoutent de
longues listes d'exceptions locales au niveau de chacune des Zones à faibles émissions (ZFE).
« Le problème de ces multiples dérogations, s'insurge Nathalie Troussard, Secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs, c'est qu'elles concernent principalement les professionnels, que les administrateurs des ZFE ont manifestement cherché à protéger afin de préserver leurs activités économiques. Tant mieux pour eux, mais on voit bien que les particuliers, eux, n‘ont pas pesé lourd dans les arbitrages. Seules quelques dérogations les concernent et encore, pas dans toutes les métropoles. » La plupart se contentent en effet de tolérer les
voitures dites « de collection » (à ce jour, la Fédération française des véhicules d'époque n'a pu décrocher une dérogation nationale). Plus anecdotique, « justifier de l'achat de véhicules de remplacement avec un délai de livraison important » permettra aussi de se voir octroyer un sursis, tout comme les véhicules « dont le propriétaire est convoqué par un service de l'État ». Sachant que dans tous les cas, il faudra présenter un justificatif.
Certaines Zones à faibles émissions (ZFE) proposent également des « Pass 12 » (Grenoble), « Pass 24 » (Strasbourg, Lyon) ou des « Pass 52 » (Toulouse), dérogations à la demande contraignant les propriétaires de voitures indésirables de déclarer en amont leur besoin de circuler (mais pas plus de 12, 24 ou 52 fois par an, c'est selon) dans leurs enceintes. Une caricature de « service à la carte », qui ne répond pas, cependant, à la double contrainte que connaissent des millions de Français : ne pas avoir les moyens de changer de véhicule et devoir rouler dans une Zone à Faible Emission ZFE très régulièrement.
« La seule option pour continuer à circuler librement, finalement, c'est de changer de voiture pour un modèle plus récent, s'indigne Nathalie Troussard. Sauf que tout le monde n'a pas le budget pour faire ça. Même avec 12 000 € de subventions, qui est grosso modo l'aide la plus importante qu'on puisse obtenir pour acheter une voiture électrique – mais pour bénéficier de toutes les aides, encore faut-il répondre à des critères de revenus extrêmement bas –, il faudra débourser 8 800 € pour s'offrir une Dacia Spring, le modèle le moins cher du marché. Ce qui reste un effort inenvisageable à fournir pour de nombreux Français ! Quant au nouveau prêt à taux zéro, assujetti lui aussi au même revenu fiscal de référence (14 000 €), avec un emprunt limité à 30 000 € sur 7 ans, il implique des remboursements mensuels de plus de 350 €… soit près d'un tiers du revenu mensuel. Ensuite, ils font comment les gens pour leurs autres postes de dépenses ? Ils habitent dans leur voiture ? »La Ligue de Défense des Conducteurs a identifié
plusieurs situations problématiques sur la base de témoignages sans trouver de réponse dans les dérogations locales des ZFE (sauf quelques exceptions).
- J'habite la ZFE de l'Eurométropole de Strasbourg. Ma voiture est garée dans la rue. Je ne me sers que très exceptionnellement de ma voiture. Je peux bénéficier du « Pass 24 ». L'Agence locale du climat stipulant que les véhicules stationnés peuvent « être sanctionnés s'ils ne disposent pas de la bonne vignette Crit'Air », cela signifie-t-il que je prendrai des PV quand bien même je ne circule pas ?
- Je n'habite pas dans une commune située dans la ZFE la plus proche de chez moi, mais je m'y rends régulièrement pour des raisons familiales, culturelles, médicales (à noter que la métropole de Reims a songé à ce dernier cas, les personnes « souffrant d'une affection de longue durée » bénéficiant d'une dérogation). Les « Pass » 12, 24 ou 52 ne me suffisent donc pas. Vais-je devoir changer de véhicule uniquement parce qu'il est trop vieux, alors qu'il est parfaitement entretenu ? N'est-ce pas un non-sens écologique ?
- Je suis un indépendant, mon activité n'est pas basée en ZFE mais nombre de mes clients y sont situés. Je ne peux pas me permettre d'acheter un véhicule neuf, mais renoncer à me rendre dans la ZFE pour y rencontrer mes clients me ferait perdre un chiffre d'affaires considérable, qui pourrait mettre en péril mon entreprise. Qu'est-ce que proposent les ZFE pour les personnes dans ma situation ?
- J'ai près de 90 ans, je possède un véhicule diesel Crit'Air 3 qui roule moins de 2 000 kilomètres par an dont j'ai absolument besoin pour vaquer à mes occupations dans la ZFE. À mon âge, je ne vais évidemment pas racheter un véhicule ni monter sur un vélo. Les personnes âgées qui ne peuvent se déplacer en transports, à vélo ou à pied, vont-elles avoir droit à une dérogation ?
- Je suis un étudiant avec peu de moyens qui habite à l'extérieur de la ZFE. Pour me rendre en cours dans la métropole, j'utilise ma vieille voiture, car je n'ai aucune alternative viable en transports en commun. Les étudiants en situation de précarité ne devraient-ils pas bénéficier d'une dérogation ?
« Nous connaissons les difficultés de l'administration à traiter les cas qui ne rentrent pas dans les cases, s'inquiète Nathalie Troussard. La Ligue de Défense des Conducteurs sera particulièrement attentive aux PV qui ne manqueront pas de tomber par erreur car ne nous leurrons pas, il y en aura. Je rappelle que notre association est la porte-parole des automobilistes et des motards qui se sentent oubliés, spoliés et qui se tournent vers nous pour les aider. À chaque fois, nous alerterons les métropoles et exigerons que ces cas particuliers soient pris en compte. La bonne nouvelle, c'est que les ZFE sont encore incapables de verbaliser de manière automatisée, en tout cas jusqu'au deuxième semestre 2024. C'est lorsqu'arrivera cette échéance, de toute façon, que les ZFE seront jugées sur pied. La réponse sociale à cette mesure, qui privera de nombreux Français de leur liberté de mobilité, effraie d'ailleurs déjà le gouvernement. À raison. »Source : la Ligue de Défense des Conducteurs
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