Seuls 2 trajets en voiture sur 10 000 réalisés en covoiturant via des plateformes numériques
Au 1er semestre 2023,
seuls 2 trajets en voiture sur 10 000 ont été réalisés en covoiturant via des plateformes numériques et seuls
0,04% des kilomètres parcourus sur des trajets du quotidien l'ont été en covoiturant via une plateforme.
Ainsi, en
subventionnant le covoiturage via les plateformes,
l'État investit 35 fois plus pour un trajet via une plateforme que pour un trajet covoituré en auto-organisation.
La voiture est responsable d'environ 16% des émissions françaises de gaz à effet de serre.
Chercher à en augmenter le taux d'occupation (proche de 1 personne par voiture pour les trajets domicile-travail ) pour réduire le nombre de
voitures sur les routes, semble être une solution pour décarboner la mobilité.
Pourtant,
le covoiturage du quotidien ne décolle pas, et ce, malgré les nombreuses initiatives du Gouvernement et des collectivités locales, que ce soit via des incitations financières (primes) ou des aménagements dédiés (aires de covoiturage, voies de circulation dédiées).
Une
vision complète sur la réalité du covoiturage est difficile à avoir, la comptabilisation étant basée sur les données des plateformes numériques, soit moins de 3% de l'ensemble des trajets covoiturés réalisés.
Le Forum Vies Mobiles, think tank de la mobilité du futur soutenu par la SNCF et La Fabrique Écologique, fondation pluraliste de l'écologie, se sont associés pour interroger la pertinence écologique de la politique d'aide publique au déploiement du covoiturage : quels déplacements et territoires cibler ? Quels modes opératoires privilégier ? Quelles subventions justifier ?
L'étude (Le covoiturage du quotidien : quelle pertinence pour la transition écologique des mobilités ? Forum Vies Mobiles, La Fabrique Écologique, 2023) a été menée sur la base d'une série d'entretiens avec les acteurs publics et privés impliqués dans le développement du covoiturage, mis en regard de rapports et de données publics.
Menée de 2022 à 2023, elle a permis d'analyser des politiques locales menées dans le sillage de la Loi d'Orientation des Mobilités de 2019 et les fondements du Plan covoiturage 2023 - 2027.
Des espoirs démesurés placés dans le covoiturage du quotidienLes collectivités locales et le gouvernement misent de concert sur un boom du covoiturage du quotidien, à l'instar de celui qu'a connu récemment le covoiturage longue distance.
Le Plan Covoiturage lancé par le Gouvernement a pour objectif de faire passer le nombre de trajets covoiturés de 900 000 par jour en 2023 à 3 millions en 2027.
Le covoiturage devrait participer à hauteur de 12% de la réduction des
émissions de CO2 des transports des personnes d'ici 2030 d'après le Secrétariat Général à la Planification Écologique.
Cet objectif apparait inaccessible avec les politiques menées aujourd'hui.
Une absence d'évaluation des trajets effectivement covoiturablesAlors qu'il existe de nombreuses contraintes pouvant empêcher la rencontre entre l'offre et la demande de déplacements covoiturés (freins psychologiques, coûts de coordination, mais aussi, plus structurellement, organisation de la société et du territoire français), l'État et les territoires mènent des politiques pour faire progresser la pratique du covoiturage sans en connaitre le réel potentiel.
Aucune donnée solide n'existe sur les trajets réalisés seul dans sa voiture et réellement covoiturables.
Les « 50 millions de sièges vides » sont juste de la communication.
Une comptabilisation inadaptée des trajets covoiturésLe relevé mensuel des trajets covoiturés via les plateformes numériques est réalisé de manière fine par l'Observatoire national du covoiturage. Pourtant, la portée de ce « thermomètre » est extrêmement limitée.
Au cours du 1er semestre 2023, les trajets covoiturés chaque jour via des plateformes numériques, représentaient un peu moins de 3% de l'ensemble des trajets covoiturés. Au 1er semestre de l'année 2023, on dénombrait 27 000 trajets covoiturés et réalisés via des plateformes selon l'Observatoire national du covoiturage. Selon le plan national du covoiturage 900 000 trajets sont covoiturés chaque jour. Les trajets réalisés grâce aux plateformes représentent donc 3% des trajets covoiturés.
Le covoiturage auto organisé (ou informel) est beaucoup plus développé que le covoiturage via les plateformes numériques mais est en dehors des
radars.
Le développement du covoiturage du quotidien via les plateformes numériques est limité malgré des aides coûteusesSi le nombre de trajets covoiturés via les plateformes numériques a été multiplié par deux entre 2022 et 2023, les chiffres restent loin d'être structurants : en 2022, 1 trajet en voiture sur 10 000 a été réalisé en covoiturant via des plateformes, début 2023 on est ainsi passé à un peu plus de 2 trajets en voiture sur 10 000.
L'effet en termes de transition écologique est extrêmement limité : au 1er semestre 2023, 0,04% des kilomètres parcourus sur des trajets du quotidien l'ont été en covoiturant via une plateforme.
Le covoiturage informel peu aidé par les politiques publiques Bien qu'ils soient plus structurants pour le système de mobilité, les trajets covoiturés réalisés de manière informelle ne bénéficient que d'un tiers du budget du Plan Covoiturage.
Au regard des prévisions du SGPE et de cette répartition budgétaire, on peut dire que l'État investit donc 35 fois plus pour un trajet via une plateforme numérique que pour un trajet covoituré en auto-organisation.
100 millions d'euros sont alloués en 2023 pour le covoiturage intermédié avec un objectif de 110 000 trajets supplémentaires par jour en 2027 par rapport à 2022. 50 millions d'euros sont dédiés au covoiturage informel en 2023 avec un objectif de 2 millions de trajets supplémentaires par jour en 2027. Si le schéma de 2023 était reproduit jusqu'à 2027 (500 000 millions pour le covoiturage intermédié et 250 millions pour le covoiturage intermédié), 4 545 euros aurait été investi pour un trajet intermédié supplémentaire par jour et 125 euros aurait été investi pour un trajet autoorganisé supplémentaire par jour. Pour un trajet supplémentaire espéré, le montant dédié au covoiturage via plateforme est 35 fois plus important que celui dédié au covoiturage non-intermédié.
Les outils employés par les politiques publiques pour développer le covoiturage informel ne sont pas performants pour le moment : aires de covoiturage accessibles uniquement en
automobile, voies dédiées non respectées, Forfait Mobilité Durable non obligatoire.
Une pertinence faible sur le plan écologiqueLe covoiturage du quotidien donne parfois lieu à des trajets trop courts (moins de 10 km) pour être réellement pertinents écologiquement. Il arrive que ces trajets fassent concurrence aux dessertes des transports collectifs.
L'offre de covoiturage des plateformes numériques s'est essentiellement développée aux heures de pointe et dans les zones de concentration des flux, soit aux heures et aux endroits où l'on en a le moins besoin car l'offre de transport collectif y est plus pertinente.
Les territoires où le covoiturage serait le plus pertinent sur les plans économique, écologique et social, sont ceux où il a le moins de chance de se développer : les zones rurales et peu denses. En effet, le potentiel de rencontre entre deux personnes réalisant un trajet similaire à la même heure y est structurellement faible.
Le covoiturage ne peut structurer un système décarboné de mobilitéLes acteurs publics reconnaissent que la politique du covoiturage est encore en train de s'inventer : ici « on tâtonne », là « ce n'est pas stabilisé ».
Le covoiturage constitue un pari rationnel pour améliorer l'efficacité du système automobile actuel, mais on constate que le décollage attendu du covoiturage du quotidien grâce aux incitations et via les plateformes numériques n'a pas eu lieu.
Source : Forum Vies Mobiles (think tank de la mobilité du futur soutenu par la SNCF) / La Fabrique Écologique (think tank pluraliste et transpartisan de l'écologie)
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