Clinic tests : la voix des clients potentiels dans les projets de véhicules
Lors d'études baptisées
« clinic tests », des clients potentiels découvrent, sous confidentialité totale, la première maquette d'un futur véhicule.
C'est l'opportunité
d'entendre les impressions des clients potentiels, de confronter leurs avis et de livrer un verdict important à trois ans du lancement d'une voiture.
Pour les équipes d'un constructeur comme
Renault, qui travaillent depuis plus de deux ans sur un futur véhicule,
ce moment décisif est aussi celui qui permet de vérifier que la valeur créée par le véhicule est bien perçue des clients potentiels.
Céline, Manager connaissance client et experte customer insight pour Renault, explique les coulisses des études cliniques
automobiles.
Emprunté à la médecine, le mot « clinique » signifie étymologiquement « qui se fait au lit du malade ».
Transposé à l'
automobile, c'est le client potentiel qui remplace (de façon consentie et positive), le patient comme sujet d'observation.
CLINIC TEST : UNE ÉTUDE QUI PEUT FAIRE BASCULER UN PROJET AUTOMOBILEIl y a un an, le plan stratégique Renaulution affirmait l'ambition de Renault de lancer des véhicules (dont des
véhicules électriques) et services plus fortement créateurs de valeur pour le client, tout en réduisant les temps de développement.
Être présent plus fort et plus tôt sur les marchés nécessite de mieux prendre en compte les besoins et demandes des clients. Le “clinic test” est le prolongement direct de cette démarche.
Cette expérience a pour objet de provoquer et d'analyser les réactions d'un panel de clients potentiels au moment de découvrir un projet de véhicule face à sa concurrence. Il s'agit de recueillir et d'interpréter l'ensemble des avis, réactions et émotions exprimées verbalement ou non. Il faut s'assurer, suffisamment en amont, que les ingrédients de départ indispensables à la réussite d'une voiture, seront bien au rendez-vous au moment de sa commercialisation (il s'écoule environ cinq ans entre la définition du projet de véhicule et le début de la commercialisation d'une voiture dont la carrière commerciale dure six à huit ans).
L'adhésion au concept, la séduction du design, l'attractivité face aux modèles concurrents, l'acceptation du
prix au regard des prestations proposées sont autant de critères passés au crible.
L'objectif consiste à valider que le véhicule en développement est sur la bonne trajectoire aux yeux des clients potentiels et par conséquent dans l'esprit des équipes projet et du top management de l'entreprise.
« Le clinic test est un évènement fort, très attendu par les équipes d'un projet et bien au-delà… C'est un moment de vérité et de validation pour un véhicule en développement !» souligne Céline, Manager connaissance client et experte customer insight pour Renault.
La réussite et les orientations données par les études sont de première importance pour un constructeur généraliste comme Renault. Avec cinq à dix clinic tests menés chaque année, les équipes de la Direction de la connaissance client et les agences d'études spécialisées sont mobilisées pour concrétiser le plan produit du constructeur. « Si je vous dis que la quasi-totalité des
voitures lancées en 2024 ont vu leur maquette testée en présentation dès 2021, cela vous donne une idée de l'anticipation collective et du rythme soutenu que nous entretenons en ce moment. » explique Céline.
PLACER LES PARTICIPANTS, LES ÉQUIPES (ET LES VÉHICULES) DANS LES MEILLEURES CONDITIONSUn clinic test requiert environ huit semaines de préparation et de cadrage en amont. Suivant un cahier des charges établi par la Direction de la connaissance client de Renault, les instituts spécialisés conçoivent et pilotent tous les aspects de l'étude : sélection des participants et des lieux, mise en place, logistique, installation et animation de l'évènement, recueil et interprétation des données, sans oublier la production du rapport final puis la représentation de la voix du client dans les instances de décision et d'arbitrage.
Rigueur et créativité président à la mise en place des moyens nécessaires au bon déroulé du programme.
Tous les détails ont leur importance, jusqu'au positionnement d'ensemble des véhicules, pour ne pas risquer d'influencer par un biais ou un autre la perception des clients potentiels. Enfin, et ce n'est pas la moindre des responsabilités, il s'agît de garantir une confidentialité totale d'un bout à l'autre de l'étude.
Toute information confidentielle qui fuiterait aurait des répercussions indésirables pour le projet, pour Renault et l'agence responsable de l'étude. Pour prévenir ce risque, les équipes de la Direction de la Prévention et Protection de Renault sont elles aussi mobilisées à chaque étape de la préparation de ces études, y compris via la présence d'agents de sécurité le jour J.
Sachant qu'un clinic test se déroule trois années avant le lancement d'un véhicule, soit quasiment à mi-chemin de son développement qui en compte cinq, une seule et unique maquette est généralement utilisable pour tous les besoins de l'entreprise. La rareté et donc la disponibilité de la ressource dicte le planning des clinic tests qui doivent s'intégrer dans un planning général couvrant les besoins de l'entreprise. Afin de prendre en compte la variété des marchés, la Direction de la connaissance client a récemment multiplié par deux (parfois par trois), le nombre de pays considéré pour chaque clinic test. Il faut que la mécanique soit parfaitement huilée. La présentation simultanée dans plusieurs pays étant impossible, chaque prototype est transporté, de façon sécurisée et sous confidentialité, d'un lieu de test à l'autre. Il bénéficie du soin accordé aux pièces uniques, fabriquées à la main et dont la valeur est inestimable. Une fois sur place, il s'agît de présenter le véhicule dans les meilleures conditions tout en le protégeant de tout risque de dégradation.
Comme le précise Céline,
« ce qui compte c'est d'exposer la nouvelle voiture parmi les véhicules au milieu des autres, comme elle le serait dans un showroom. Les participants doivent se rendre compte des proportions du prototype, s'approprier ses caractéristiques avec des points de repères réalistes et familiers pour se forger une première impression fiable. »Réunie dans une salle à l'écart, l'équipe projet a la possibilité d'écouter toutes les réactions des clients potentiels. Cela donne matière à des échanges intéressants et animés. Il y a une inquiétude palpable si les clients potentiels semblent mettre du temps à comprendre le concept du véhicule, ou réagissent de façon inattendue ou négative. Il y a du soulagement si les premiers signaux sont positifs.
Chaque retour est susceptible de générer des réactions à chaud et des débats spontanés entre les membres de l'équipe projet.
Pas de clinic test sans une remarque du type
« je vous avais dit que ce truc ne marcherait pas… » ou bien
« vous voyez, on a raison d'avoir confiance et d'insister !». Il n'est pas rare qu'une réaction incongrue de la part d'un client potentiel libère un éclat de rire fédérateur et libérateur au sein de l'équipe projet.
DES CONCLUSIONS D'ÉTUDES PAS TOUJOURS FACILES À ENTENDRE OU À INTÉGRER DANS LA VIE DU PROJETLa règle est que l'ensemble des analyses d'un clinic test soient diffusables dans les six semaines qui suivent le terrain. Les principales conclusions et éventuels points bloquants doivent être remontés plus tôt. Le temps est d'autant plus compté qu'il faut intégrer dans le planning du projet la durée estimée de développement des contre-mesures nécessaires préconisées par l'étude.
Sauf catastrophe, les équipes ne sont plus en mesure de repartir d'une page blanche ou de changer les éléments structurants d'un véhicule au moment où intervient le test.
“ Il nous est arrivé de devoir se résigner à stopper purement et simplement un projet” se souvient Céline. Il est aussi arrivé de devoir décaler un planning ou de le mettre sous extrême tension pour intégrer les corrections indispensables.
Aujourd'hui, le clinic test a lieu juste avant le figeage du design du véhicule. Renault a récemment avancé cette étape dans le calendrier de jalonnement des projets afin de dégager du temps pour les mesures correctives impossibles à intégrer dans l'ancien tempo. Qu'il s'agisse de revoir des éléments de carrosserie comme une face arrière, d'ajouter un élément nouveau ou dont l'absence pose un problème (un toit ouvrant par exemple), de repenser la conception d'une pièce intérieure manquante ou ne donnant à l'évidence pas satisfaction : toute marge de manœuvre est bonne à prendre particulièrement sur des éléments lourds nécessitant beaucoup de temps.
DES CLINIC TESTS QUI MONTRENT QUE L'AUTOMOBILE A CHANGÉ DE DIMENSIONDepuis peu, les études en général, et les clinic tests en particulier, mettent en évidence de nouveaux signaux intéressants. Les clients expriment des besoins de plus en plus matures et des attentes de plus en plus précises concernant le
véhicule électrique.
L'autonomie, les
performances, l'économie mais aussi tous les aspects associés aux infrastructures de recharges entrent au cœur des préoccupations des clients potentiels et animent les échanges.
« Les études cliniques récentes menées pour préparer l'offensive produit annoncée, il y a un an, dans le cadre de Renaulution font apparaître des préoccupations clients grandissantes concernant les véhicules électriques et électrifiés. À quelle vitesse vont se densifier les infrastructures de recharge ? Comment et où recharger ? Combien coûtera une recharge ? etc. Les attentes en matière de services s'ajoutent à celles plus classiques liées au véhicule dans le questionnement des participants. »Si ces préoccupations sont relativement récentes à l'échelle de l'industrie automobile et dans l'esprit des clients potentiels, elles le sont moins pour Renault qui dispose d'une expérience solide et d'un recul précieux pour les prendre en compte.
PARTICIPER À DES CLINIC TESTS : LE PARCOURS DU CANDIDATChaque participant à un test clinique est sélectionné au sein d'un vivier d'individus constamment vérifié et mis à jour par l'agence d'étude qui en a la charge. Selon la taille et l'activité de l'institut, ce type de bases de données peut compter plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ces fichiers s'alimentent et se renouvellent au gré de milliers d'entrées et de sorties par an. Le volontariat est encouragé et il est généralement possible de proposer sa candidature directement sur les sites des instituts. La maîtrise du processus de sélection des participants fait partie des piliers importants, à défaut d'être le plus visible, sur lequel se fait ou se défait la réputation d'un institut d'études.
Les candidats sont sélectionnés sur la base de leur appartenance ou de leur proximité validée avec la cible de clientèle visée et le modèle étudié. Les profils sociaux démographiques comme les critères d'âge, de genre, de situation familiale et professionnelle entrent en considération. Il en va de même du lieu d'habitation, des usages et du rapport au modèle. Les marques et modèles de véhicules possédés sont essentiels. En aucun cas, il ne doit y avoir de proximité ou de liens entre le participant et le domaine étudié. L'institut d'études doit pouvoir vérifier et garantir totalement la conformité de ces critères. Impossible donc de convoquer un salarié de Renault, de la concurrence ou un journaliste pour participer à l'un des clinic tests automobile. Il n'est pas non plus possible pour un individu de participer à de trop nombreuses études. Les instituts veillent à ce que les participants soient toujours en situation de découverte et livrent leur retour avec spontanéité et « sans calcul ». Pas question de s'appuyer sur des participants rodés au point de devenir de quasi-professionnels de l'exercice. Les participants sont tous tenus à une confidentialité strictement encadrée.